Sara. H Danguis

Olivia Colo, amie, collectionneuse

L’autoportrait

L’Autoportrait raconte le regard que porte et pose un artiste sur lui-même, à un instant T de sa vie personnelle comme professionnelle. Sur le site de Sara H. Danguis, il existe quatre autoportraits de l’artiste datés de 2009. L’un d’eux est dans ma vie, il est ma première peinture achetée, découverte à l’occasion d’une visite dans son atelier de l’époque à Montreuil. Et cette peinture est aujourd’hui la seule qui voyage encore avec moi, au fil de mes déménagements et de mon histoire de femme qui se réinvente.

C’était un cadeau pour mon anniversaire, impossible de me souvenir si la découverte et l’achat de cet autoportrait était aussi en 2009, mais cette idée me plait de me dire que c’était il y a 13 ans, pour mes 35 ans. Mon visage a pris des rides depuis, mais pas cette œuvre ni mon regard sur elle. Elle me plait comme au premier jour et m’embarque à chaque fois dans un tourbillon émotionnel.

Mettre sur ses murs, dans son familier et son intime, l’autoportrait d’une personne que l’on connait et que l’on apprécie beaucoup, n’est a priori pas chose aisée. Mais le temps à montrer que ce n’était pas un enfermement dans l’espace mental de l’Autre, mais une invitation, une passerelle entre Soi et l’Autre, qui se réinvente au fil des regards posés sur l’œuvre et des saisons de la vie qui passent.

Les traits de l’artiste y sont peu dessinés, laissant plus de place à la puissance des affects que l’on veut bien y voir, aussi en écho aux siens propres. Plus que de voir et deviner les traits d’un visage, j’y ressens des affects dévoilés. Je vois une âme, entourée d’un mystère, qu’une lumière cherche à percer. Des lignes de peintures coulent pour l’éternité, figées sur la toile et autour du visage. Peut-être des larmes. J’y vois surtout un mouvement, que rien n’arrêtera. Bien sûr, cet autoportrait est avant tout le visage et l’histoire de l’introspection d’une femme, de l’artiste, de Sara, qui à l’époque ne savait pas encore comment signer son nom. Mais la force de cette œuvre est que j’y vois aussi une lignée de femmes – d’hier, d’aujourd’hui et de demain-, qui doivent chercher leur place et se battre pour que leurs visages et leurs âmes s’éclairent.

Cet autoportrait est l’histoire d’une belle rencontre, entre une femme et une autre, entre une artiste et une amoureuse de cette œuvre en particulier, entre deux regards portés ensemble, sans rien en dire, sur nos secrets, nos identités, nos doutes, nos colères, nos vulnérabilités, mais aussi nos forces, sur le sens que l’on met peut-être aussi sur nos batailles passées et à venir. Cet autoportrait est un coup de foudre, et ce n’est sûrement pas un hasard, d’aimer toujours autant ce visage puissant sculpté d’ombres et de lumières.